jeudi 7 juin 2012

Long is the road to oblivion

Une fois toutes les deux semaines, j'ai l'habitude d'aller rendre visite à ma grand-mère en banlieue parisienne. Je lui tiens compagnie, elle me prépare de bons petits plats, je lui raconte les rebondissements de ma vie amoureuse, elle me donne son avis, je regarde des émissions à la télé avec elle avant qu'elle ne s'endorme sur le fauteuil et que j'en profite pour mettre un DVD… Et si ses défauts de grand-mère ont vite tendance à me faire perdre patience, j'aime discuter avec elle. Cela me fait réfléchir sur ma vie, ma vision des choses, et m'aide à relativiser. Parfois, elle me parle de son histoire avec mon grand-père, qui est décédé il y a 13 ans. Vision old school des relations amoureuses, pas forcément plus romantiques ni plus satisfaisantes que celles de maintenant, mais néanmoins plus stables et durables. A chaque fois qu'elle me parle de lui, je devine la nostalgie qui se cache derrière ses yeux brillants, et j'entends la douleur de sa perte dans sa voix. Et je me demande : comment peut-on survivre au décès de la personne qu'on a aimé toute sa vie? Comment trouver les mots pour lui répondre sans dénigrer sa douleur ni une relation dont j'ai à peine été le témoin? Depuis 13 années, elle vit dans l'appartement et la ville qui contiennent la plupart de ses souvenirs avec son mari. Dormir dans le même lit sans la personne, dîner à la même table en face du vide, marcher dans la rue sans pouvoir s'appuyer à son bras. 


Tout cela m'a fait réfléchir aux fois où j'ai dû oublier quelqu'un, tout en sachant que c'était incomparable avec le deuil d'une histoire de 50 ans.
Je me suis rappelé les nombreux mois que j'avais passés à oublier Mister Draper. Des mois à penser à lui en permanence, malgré ma détermination à l'oublier, un peu comme si mon cerveau refusait de me laisser tranquille. A passer devant les lieux que nous avions fréquentés (comme par hasard tous autour de chez moi!) et à nous imaginer y retourner, en vain. Il y a quelques mois, en mars, quand il avait commencé à refaire beau, je me rappelle que l'odeur du printemps m'avait littéralement donné la nausée. Car elle me renvoyait au printemps 2011 que j'avais passé à errer comme une âme en peine dans les rues de Paris en attendant que Mister Draper revienne de week-end. Et brusquement, j'ai réalisé que le fait de penser à lui ne m'avait pas provoqué de douleur au ventre depuis un bon bout de temps! Serais-je guérie?…

Comment sait-on qu'on a réussi à oublier quelqu'un?
Il faut du temps, beaucoup de temps, des larmes, des jours à errer dans les rues de Paris en n'ayant plus goût à rien, des heures à parler de la personne en question à d'autres personnes en ressassant toute l'histoire, des carnets intimes gardés précieusement dans le sac à main et remplis les uns à la suite des autres par toutes nos pensées, des week-ends qu'on essaye de meubler pour ne pas avoir une seule minute de libre qui nous rappellerait qu'on est sans lui, de la colère qui monte en nous, puis le rejet de celui qui nous a fait tant de mal, une dernière descente au fond du trou, avant de se ressaisir et de décider de passer définitivement à autre chose.
Et puis, une fois qu'on est lavée de tout le mal qu'on a emmagasiné auparavant, c'est là que l'on peut commencer une nouvelle histoire avec une nouvelle personne. En essayant d'apporter le moins d'entraves résiduelles et de vestiges gênants de l'ancienne relation.
Devant un thé sur une terrasse de la place du Marché Saint-Honoré, mon amie Amélie (voir l'article "Baby talk, baby plans") m'a donné sa vision de la chose : "Oublier quelqu'un prend du temps, mais tu réalises que tu as réussi le jour où tu n'as plus cette douleur qui te déchire le ventre quand tu penses à lui". Je me suis posé la question : d'où vient cette sensation? Comment notre corps peut provoquer autant de vagues de tristesse et de douleur à la simple pensée de quelqu'un? Est-ce chimique? Est-ce divin?

Parfois, pour oublier une personne qu'on a vraiment aimé et tourner la page, il faut qu'elle nous annonce qu'elle a quelqu'un d'autre dans sa vie. C'est ce que j'ai récemment vécu. En allumant mon portable l'autre jour, j'ai appris ce que je redoutais depuis bientôt deux ans : mon ex, celui avec qui j'avais vécu ma relation la plus sérieuse et la plus belle jusqu'à ce jour, m'annonçait qu'il avait une copine depuis peu. Je ne l'avais jamais imaginé avec une autre fille que moi, et je crois que, tant qu'il restait célibataire, je n'arrivais pas à couper définitivement le lien qui nous avait uni pendant quelques années. Mais, passé le choc initial, j'ai finalement réalisé que c'était peut-être ce dont j'avais besoin pour commencer moi-même à aller de l'avant. Ne plus l'ériger en modèle absolu de ce que j'attends de l'amour, ne plus fuir une relation qui n'est pas aussi idyllique que celle que j'ai eue avec lui. S'il a réussi à trouver quelqu'un qu'il croit assez bien pour lui, alors il n'y a pas de raison que je n'y arrive pas moi-même.

Et puis, parfois, on oublie les personnes de façon naturelle, sans se forcer, sans vraiment souffrir. Est-ce qu'on peut dire alors qu'on les a aimé? Au final, après avoir perdu un an de sa vie à oublier la personne précédente, est-ce qu'on est capable d'aimer à nouveau, de ressentir des choses qu'on s'est forcé à ne plus ressentir? Est-ce que les sentiments reviennent en nous avec le temps? Ou est-ce que l'on s'est définitivement noyé dans le lac sans remous de l'oubli et de l'indifférence?

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