Rester en bons termes avec mes ex a toujours été un principe que
j'affectionne. Contrairement aux personnes pour qui tout contact doit
être coupé à partir de la rupture et qui réduisent à néant ce qu'ils ont
passé des mois ou des années à construire, j'ai toujours essayé
d'adopter une attitude plus noble et plus adulte à mes yeux. Je sais ce
que vous êtes en train de vous dire à l'instant-même : "Si elle reste en
contact avec ses ex, c'est uniquement pour les utiliser comme plan cul
de secours de temps en temps, ou pour les maintenir à ses pieds et se
sentir encore courtisée, même après la fin de la relation". En vérité,
j'ai très rarement (voire jamais) remis le couvert avec les hommes avec
qui j'ai vécu une histoire. Quand les sentiments amoureux que j'ai
éprouvé pour quelqu'un se tarissent, c'est fini. Dans mon corps, dans ma
tête, et dans mon désir physique. Mon seul but est de ne pas renier les
choses qui se sont passées entre eux et moi, et d'essayer d'apprendre
de nos erreurs pour mieux me comprendre et mieux gérer mes relations
futures.
Récemment, j'ai passé un week-end entier sur la Côte d'Azur
chez Rémi, un mec avec qui j'étais sortie pendant quelques mois à l'âge
de vingt ans (à cet âge-là, tout était nouveau, les relations de quelques
mois comptaient davantage dans ma tête que maintenant). Je le
connaissais depuis le collège, ses parents habitaient le même village
que les miens en province, et nous avons commencé une histoire ensemble
juste avant mon départ en Erasmus à Amsterdam. Histoire à laquelle j'ai
mis fin devant nos incompatibilités qui m'avaient fait cesser de
l'aimer, mais aussi au moment où j'appris que mes parents se séparaient,
moment très douloureux pour moi. Après avoir rompu, nous sommes restés
en contact au fil des années et sommes finalement devenus amis. Ce que
je trouve bien avec ce genre de relation, c'est de savoir qu'on peut
dormir dans le même lit que son ex sans risquer de voir la situation
déraper, car cela fait six ans que la relation a pris fin. C'est aussi
la possibilité se montrer, soi-même, sous son vrai jour sans que cela
ait de conséquences et sans se sentir juger. Passer des heures à parler
des relations dans lesquelles nous sommes actuellement en essayant de
nous conseiller l'un l'autre, Rémi avec son regard de mec indépendant
mais sentimental, et moi avec mon regard de fille un peu névrosée, qui a
souvent besoin d'être rassurée. Bref, se sentir "à la maison" avec quelqu'un en
qui l'on a confiance, avec qui l'on a partagé une véritable intimité et
de beaux souvenirs en commun, mais qui ne nous inspire plus rien que de
l'amitié.
Pourtant, malgré mes idées assez arrêtées sur plein de
choses, et notamment sur le côté sain et important de rester en bons
termes avec ses ex, je me suis récemment interrogée sur le bien fondé de
cette théorie et sur la réelle nécessité de ce genre de comportement.
Finalement, revoir ses ex de façon amicale, n'est-ce pas une façon de
prolonger la lente agonie des relations qu'on a eu avec eux? Au lieu de
m'aider à grandir, à aller de l'avant, à me connaître moi-même, cette
situation n'est-elle pas un poids inutile que j'accroche à mon pied, qui
m'empêche d'avancer et qui me rappelle régulièrement les erreurs que
j'ai pu faire?
Voir que la complicité que j'ai entretenu avec
quelqu'un et que je croyais encore entretenir n'existe plus. Pire, me
voir exaspérée par les défauts de l'autre, ceux à cause desquels j'avais
mis fin à la relation et qu'il a conservé. Et sentir un petit goût
d'amertume dans la bouche quand les relents de méfiance, d'angoisse et
de colère qui caractérisaient la relation refont surface. Si boire un
café amical avec son ex équivaut à se repasser le film de tout ce qui a
contribué à la rupture, où est l'intérêt? A part me confirmer que j'ai
bien fait d'arrêter cette relation-là, je ne vois pas trop… Et vu que je
reviens rarement sur mes décisions, la confirmation apparaît inutile.
Une
autre conséquence du fait de rester en relation avec un ex, c'est de
réaliser, avec douleur, que la place qu'on pensait occuper dans sa vie
n'est pas tout à fait celle qu'il nous accorde en pratique. Réaliser
qu'en tant qu'ex-copine, on n'a plus droit aux mêmes exigences qu'avant,
et qu'il serait malvenu d'oser contester le rang "d'amie qui compte"
qu'on occupe à présent, c'est finalement assez douloureux.
Et puis parfois, certains ex deviennent
des sortes de Triangles des Bermudes qu'on se force à éviter, de peur de
se faire happer par la douleur et l'instabilité qu'ils ont provoqué en
nous. En cherchant à se protéger, on reste le plus éloigné d'eux
possible, dans tous les sens du terme. C'est ce que j'ai entrepris de
faire depuis plusieurs mois avec Mister Draper. Ne plus aller errer dans
le quartier où il habite, comme j'y ai occupé tous mes week-ends de
l'année dernière. Ne plus parler de lui, ne plus parler à des gens qui
lui parlent et le côtoient tous les jours. Et même, m'empêcher de
revenir dans mon ancienne agence pour dire bonjour aux collègues ou
garder le contact avec mon ancienne responsable ; simplement pour ne pas
risquer de le croiser dans le couloir, de revoir sa tête. Et surtout
pour ne pas m'approcher trop près de la zone géographique et des meubles
qui ont constitué le théâtre de cette histoire.
Au final, rester
en contact avec ses ex demande une force mentale que j'avais il y a
encore quelques années mais que j'ai probablement perdu. En attendant de
la retrouver, je me dis qu'il serait peut-être plus judicieux de la
jouer profile bas. Pourtant, je crois avoir trop de respect pour la
plupart des personnes avec qui j'ai essayé de construire une histoire
pour couper définitivement les contacts.
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